Lundi 17 avril - Arrivee et Acclimatation
Mon voyage a bel et bien demarre. Apres une penible traversee de Paris
en Metro, charge comme un baudet avec mon velo dans un sac en
bandouliere et un sac a dos accroche aux epaules, suivit d'un rapide
transit a Delhi, me voici enfin a
Leh, capitale de la province indienne
du
Ladakh. Le vol d'une heure et demi de Delhi jusqu'a Leh m'a
fait survole une bonne partie de l'Himalaya. En raison des conditions
d'enneigement la plupart des routes restent bloquees, l'avion est
l'unique moyen de rejoindre le Ladakh en cette periode de
l'annee. Leh est situe a 3300 m d altitude, l'acclimatation doit
donc etre prise tres au serieux et sera extremememt importante pour la
bon deroulement de la suite de mon periple.
L'homme au marteau fait
partie du comite d'accueil de Leh, inutile de monter sur son velo pour
en sentir les premiers sevices. Je prevois trois jours d'activites au
ralentit, et a pieds, avant d'enfourcher la becane. Cela me
laisse amplememt le temps de preparer l'etape suivante du voyage. En
deballant mon velo j'ai constate que la piece maitresse du derailleur,
celle qui le tient au cadre, a ete completement pliee lors du
transport. Coup de bol, c'est l'unique piece de rechange dont je
dispose...ouf.
Avril est le tout debut de la saison touristique au Ladakh, le point
positif est qu'il y a tres peu de touriste en revanche le point negatif
est qu'il fait un de ces p.. de froid. Il gele encore la nuit et le
journees sont tres fraiches. Mon experience hivernale du
Pajottenland m'a heureusement appris a prendre mes precautions. Je suis
en ce moment, accueilli par une charmante famille de Ladakhi. C'est pas
le luxe mais pour 2 dollars la nuit c'est pas si mal, reste qu'il n'ont
ni chauffage, ni eau chaude, ni spaghetti bolognese,..mais qu'est ce
qu'ils sont sympathiques (il manquerai plus que ca qu'il ne le soit
pas!). Pensee emue pour le 2HC en sortie aujourd'hui a
Herbeumont.
Mardi 18 avril - Suite de l'acclimatation et premiere sortie a velo
Apres quelques reglages du derailleurs et le remplacement du cable du
changement de vitesses, lui aussi endommage pendant le voyage, je me
decide de prendre le velo pour une sortie de 60 km dans les alentours
de Leh. Mon objectif est de rejoindre les monastere de
Thiksey et
celui de
Stakna, tout deux au nord (
ndlr sud-est ?)
de Leh le long de l'Indus. Il fait frais (+/- 8 C) et le temps
est couvert en altrernance avec de belles eclaircies. La
luminosite est absolument hallucinante et d’un clarte que
l’on ne retrouve qu’en altitude. La vallee de l'Indus est a
cet endroit perchee a plus de 3000 m d'altitude. Elle est bordee de
part et d autre d'immenses montagnes enneigees qui culminent entre 5000
et 6500 m, le paysage est tres mineral mais les terres sont cultivees
en bordure de l'Indus. Les gens que je croisent me saluent
systematiquement d'un "Jullay!" entousiaste (bonjour en Ladakhi).
Une fois arrive au monastere de
Thiksey, je suis gentillement accueilli
par les jeunes moines Boudhistes. De 8 a 18 ans, ils vivent et etudient
au monastere. Surtout interloque par mon casque et les pedales a clip,
ils insistent pour une seance photos a cote du velo. Leur anglais
est impeccable. Le monastere me fait penser au
Potthala (Tibet)
en plus petit. Construit au sommet d’une colline escarpee,
il comporte une multitude de fenetres sur plusieurs etages. Je ne
croise aucun touriste, ce qui me donne droit a une visite privee par un
des moines plus age. Le traitement sera le meme au monastere de
Stakna. Le retour vers Leh se fera vent de face.
Pour la suite, je pense m’etre decide a prendre la route de
Kargil (Nord-Ouest de Leh) jusqu'au debut de la valle du
Zanskhar. Elle vient tout juste de s’ouvrir au
traffic. Impossible de faire une boucle complete a partir de Leh,
le retour en bus s’impose donc. Dans me projets figure
egalement le col de Khar-Dung La au nord de Leh. Au dire des
guides touristiques, la route qui y mene est la plus haute du monde, le
col est a 5602 m. Quelques jours d’acclimatation
supplementaires s’imposent avant de s’attaquer a ce gros
morceau. Ce sera, je l’espere le bouquet final de mon
trip. A ce propose je vient de decouvrir l’ethymologie du
mot Ladakh, cela signifie “le pays aux hauts cols',...
Mercredi 19 - Samedi 22: On the road again.
Julay ! (Bonjour en Ladakhi) Question acclimatation, tout
est OK! Ready to hit the road! Le materiel est au point, les jambes
sont plutot bonnes et l'estomac tient bon malgre les brouettes de
chicken tandoori, chapatti et autres tibetan vegeterian-dish
ingurgites. Les locaux me regardent avec etonnement vider leurs
dernieres provisions d'hiver ;- ) Heureusement quand il n y
en a plus, il y en a encore!!! Il fait encore tres froid a
Leh et
il y a un vent a decorner les
yaks. Mon itineraire empruntera la
route Leh - Srinagar qui mene au Kashmir.
En quittant Leh, la
route descend jusqu'a une altitude de 3000 m pour rejoindre
l'
Indus. La vallee est tres large a cet endroit et si ce n'etait
pour ces majesteuses montagnes qui suivent le parcours du fleuve, on
aurai plutot l'impression d'un immense plateau de haute altitude.
Les vehicules que je croise sont essentiellement militaires en raison
du caractere strategique de la region (le Ladakh est entoure par la
Chine, le Tibet, et le Pakistan et qu'au nord, le Kashmir continue a
etre sous surveillance rapprochee). Un long faux plat me fait
vite regagner une altitude de 3500 m, et toujours ce vent
d'enfer. Apres les quelques flocons de neige tombes au depart de
Leh qui m'ont fait craindre le pire, le soleil a fait son
apparition.
La ou le Zanskar rejoint l'Indus, la vallee se
retrecit pour laisser place a une gorge abrupte. Le
Border Road
Organisation, qui construit et entretien les routes au Ladakh redouble
d'ingeniosite en faisant passer la route par des endroits improbables.
Ici, pas question de louper un tournant. Les temples indiques sur
ma carte sont autant de raisons de m'arreter pour une petite pause:
Spituk, Nimu, Saspol, et finalement
Alchi ou je passerai ma premiere
nuit. Sans franchir de cols, je suis tout de meme en fin de
journee a un cumul de 1300 m de denivelation positive,...mine de
rien. Les sensations sont excellentes. C est un reel bonheur de
se fondre dans ce paysage.
Alchi est un etonnant petit village,
situe dans une petite gorge qui s'etire a l'ecart de la route
principal. J'y dormirai dans une guest house, ouverte pour
l'occasion.
Apres un petit dejeuner frugal et un the gentillement
propose par le Lama du temple, je prends la route pour
Lamayuru.
20 km apres Alchi, je m'ecarte de la route pour rejoindre le
monastere
de Rizong. La route s'apparente plus a une piste de mulletiers et
grimpe dans un canyon escarpe pour aboutir au bout de 8km au monastere
ou demeure 135 moines reputes pour leur discipline stricte. Les
plus jeunes moines en recreation m'accueillent avec une tasse de the,
j'aurai egalement droit a une visite du temple par l'un d'eux. La
route alterne entre larges vallees et gorges etroites. L'arrivee
grimpante vers le site sacre de
Lamayuru, traverse un paysage
lunaire. Le monastere date du 16e et est le plus connu du
Ladakh. Ma journee se termine avec un cumul de 1200 m et 75km au
compteur.
J'entame la journee du matin par le col de Fatu La a
4100 m. Vive le petit plateau! La descente sera
vertigineuse et scillonera pendant 15km jusqu'a une altitude de 3200 m.
C'est la que demarrera l'ascension du deuxieme cols de la journee,
Namika La a une altitude de 3850 m. Cela passe comme une koek,
mais c'est encore bien loin de l'objectif du Khardung La a 5602
m. Apres 1 heure de roues libres je m'arrete dans le petit
village de
Mulbekh pour y passer la nuit. L'accueil sincere et
entousiaste qu'offre les Ladakhis est particlulierement
touchante. Je m'ecroule a 8h00 pour me reveiller a 6h30 au son
des moulins a priere du temple situe a quelques metres de ma
chambre.
La journee de samedi sera une journee de
transition. La route descend jusqu'a Kargil, je repasse pour la
premiere fois en-dessous des 3000 m. Kargil se situe aux portes du
Kashmir et est une ville 100% musulmane. La transition est
surprenante. La place du marche est envaillie de monde, ca grouille de
partout. Le port de la barbe est de rigueur et le comportement beaucoup
plus exhuberant des locaux denote par rapport au calme des populations
boudhistes rencontrees en altitude. Peut-etre est-ce du a
l'oxygene ;- )
La route etant fermee au-dela de
Kargil je rentre demain en bus sur Leh
afin de mener les demarches pour obtenir les autorisations pour me
rendre dans la valle du Nubra. Je garde le col de Khardung La en ligne
de mire ! A propos, j ai resolu le probleme des douches sans eau
chaude,...je n'en prends tout simplement pas! C'est tout bete
mais, il fallait y penser.
Dimanche 23 avril: Back to Leh
Julaaaaaaaay ! Les 250 km pour rejoindre Leh ont ete effectue en
Jeep. Le but du jeu etant de faire rentrer un maximum de
personnes dans une Jeep Tata et de rouler a tombeau ouvert sur les
routes de montagnes, l'experience fut quelque peu penible. Il
s'en est d'ailleurs fallut de peu pour que je lui dessine des flammes
au Tandoori-Curry sur ses portieres depuis la fenetre cote passager.
Pour la prochaine etape de mon trip les demarches a mener sont plus
compliquees. Il me faut un permis pour franchir le col de Khardongla.
Je serai fixe demain sur la duree du processus. La bonne nouvelle
est que la route qui y mene etant d'une importance strategique pour la
region, l'armee s'assure de degager la neige tout au long de l'annee.
Il risque tout de meme d'y faire tres froid, heureusement que le
Pajottenland m'a prepare aux pires intemperies...
Lundi 24 avril - Autorisation obtenue
Julaaaaaaaaaaay! Voila c'est fait,
j'ai le permis. Je pars demain matin avec mes sacs et mon velo a l'assaut du
col de
Khardung La (5602m/18380 ft) pour
rejoindre la
vallee de Nubra. 40
km d'ascension prevus avec un depart au point le plus bas de Leh a 3200 m.
Il y a un arret checkpoint au km 25,
ensuite la route continue jusqu'au
sommet. La vue des montagnes du Zanskar ne devrait pas etre mal de la haut,
a condition d'y arriver...Incroyable de
se dire que le sommet est 795 m plus
haut que le Mont Blanc et 100 m plus haut que le camp de base de
l'Everest!!! J'espere bien y porter haut et fort
les couleurs du 2HC. Pas
question ici de mettre le braquet et monter avec la grosse sous peine de
degueuler ma bouillie. Le Lama de Leh, m'a
gentillement propose de me
preparer un bon thermos de
the sale au beurre plein d'energie. Il est prevu
que je passe au monastere avant mon depart,
il m'a egalement suggere d'emmener quelques drapeaux a prieres que j'irai accrocher au sommet du col.
Pour autant que je franchisse le col, une
descente de 56 km m'attend jusqu'a
Khalsar. Je n'aurai probablement plus de connection internet avant mon
retour sur Leh prevue vendredi ou samedi.
Heureusement que j'ai des patins
de freins de rechange ! Le temps s'est considerablement ameliore, il fait
meme plutot chaud et c'est le grand bleu.
L'ecran total et les lunettes de
glaciers s'imposent. Ca va etre fantastique!! Pensees emues pour les
Limousins qui ne devraient pas tarder a
voir arriver leur numero 3. Toujours
plus hauts!
http://en.wikipedia.org/wiki/Khardungla_Pass
Mardi 25 avril – Vendredi 28: Khardong La, ready or not here I come
Comme je n’ai pas droit a une voiture balais ni au moindre
ravitaillement, je prepare mon sac en fonction. Mon petit magasin
se reduit donc au stricte minimum: fruits secs une bouteille
d’eau, une gourde et un tube de vitamines C. La famille du
guest house m’a egalement prepare un sac avec une poudre magique
qu’on appelle ici la tsampa, une sorte de farine que l’on
mélange avec the, eau ou lait pour en faire une sorte de poridge
hyperenergetique (c’est la base du regime alimentaire de la
plupart des moines et familles ladakhis). Avant de prendre la route je
passe au gompa (le temple) de Leh afin de prendre la livraison du
thermos de the au beurre que m’a promis le Lamah. La ciel
est degage et la journee s’annonce parfaite. Depart un peu
plus tard que prevu vers 10h00. En haute altitude c’est le
cardio frequence metre qui donne le ton et dicte la cadence. La
veille, j’avais tente une petite acceleration a velo pour
rejoinder la guest house, il a suffit de 150 m pour me mettre dans le
rouge complet et mettre ¾ d’heure a recuperer de
l’effort. La zone de danger approche aux alentours des 130
pulsations/min. Compte tenu du manqué d’oxygene le coeur a
vite fait de s’emballer. Il faut donc rester attentif, sous peine
d’entamer une descente forcee. Les premiers 20 km
d’ascension, le cardio frequence mettre ne depassera pas les 100
pulse/min. Je ne croise aucun vehicule,jusqu’a ce que
j’arrive au premier poste de controle militaire. Comme a
chaque fois, on m’offre le the et quelques biscuits.
L'altimetre affiche deja 5000 metres et je commence a serieusement
sentir la fatigue, la temperature ne depasse pas les 0 degres. Il me
reste 14 km jusqu’au sommet C’est au moment precis ou
je reprends la route que commence mon calvaire. La route en tres
mauvaise etat, est encore en partie recouverte de neige, il faut
louvoyer entre les plaques de glaces pour eviter de poser le pied a
terre. La route est entourree d’epais congeres. Le
polar indique 125 pulse/min et une temperature de -5 degres. Plus
inquietant, je commence a avoir les pieds mouilles, ce qui n’est
pas sans me rappeller notre sortie hivernale dans le Pajot. Je ne
peux m'empecher de me retourner afin de m'assurer que le Fransss ne
soit pas entrain d'entamer son effort et de placer son accelaration
tant attendue. C'est fou ce a quoi on pense quand on pedale.
Il est 18h36 quand j’atteinds le sommet du col du Khardong La, situe a 5602 m d’altitude.
Le thermometer indique -10 degres. Quelques militaries de la
garnison en stationnement au sommet me voient arriver avec surprise. Ce
qui me vaut un ‘You are a mad man’, d'un ton amuse. Ils me
proposent de prendre le the dans leur baraquement. Juste le
temps de me rechauffer, et il faut imperativement entamer la descente
pour rejoinder le village de Khardung. La route est dans un etat
deplorable et la luminosite est reduite. Dans ces conditions,
impossible d’envisager les 56 km qui me separent du prochain
village. Apres 14 km, je m’arrete au campement militiare de
North Pulu. Un bidasse attentionne et inquiet de ma situation, me
proposera le gite et une bonne bassine d’eau chaude pour me
rechauffer les pieds geles. J’aurais egalement droit a une
copieuse assiette de pates,…un grand bonheur. Le lever
sera tres matinal, 5h30, horaire militaire oblige…La descente
dans la
vallee du Shyok, puis dans celle de
Nubra
sera beaucoup plus paisible. Une fois de plus le spectacle de ces
deux rivieres qui
confluent est impressionant. Je passerai les
deux prochains jours a visiter les deux vallees en allant a chaque fois
jusqu’a la limite de l’a zone geographique autorisee:
Hundar pour la vallee du Shyok et Panamik pour celle de Nubra. Au
passage, les visites du monastere de Deskit et de celui de Sumur seront
encore l’occasion de rencontres insolites avec a chaque
fois une invitation a partager le couvert, le the ou une courte
conversation. Chaques kilometres parcourrus dans ce pays des
hauts cols, furent le fruit de moments simples, d’une rare
intensite qui m’ont permis de decouvrir une infime partie des
richesses de ce peuple attachant et hors du temps du Ladakh qui vie en
harmonie avec l'Himalaya.
A Jeudi les amis...
Ville de Leh